M, A REFLECTION

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A Two Dogs Company

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Kaaitheater

Bruxelles

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30.09.12
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  • « Un jour viendra à ma rencontre l'AUTRE, le pendant, le double à mon visage de neige. » 
    Heiner Müller, La Mission

     S'il y a un thème qui dominait dans l'œuvre de l'auteur allemand Heiner Müller (1929-1995), c'est bien celui des paradoxes et des contradictions de l'histoire. 

    Au cours de sa vie, Müller a fait l'expérience de plusieurs régimes politiques : fascisme, communisme, (néo)capitalisme. Il a assisté à la division de l'Allemagne, puis à sa réunification, à la Guerre froide et à l'après-1989. Mieux que quiconque, il a su évoquer notre besoin primaire d'avoir un ennemi : les destins liés du maître et de l'esclave, les rapports étroits entre le Bien et le Mal, notre besoin de l'Autre avec qui nous ne pouvons pas vivre, mais sans qui la vie est tout aussi impossible. Tant du point de vue individuel que politique, notre identité est en effet déterminée par cet Autre, alors que nous façonnons à notre tour son identité. 

    Après K, a society, où était créée une série d'images s'appuyant sur l'univers de Franz Kafka, l'homme de théâtre et plasticien Kris Verdonck condense dans son M, a reflection l'univers de Heiner Müller en une image unique. Cette image se dédouble et dialogue avec elle-même. Sur le plateau, le public voit le comédien Johan Leysen qui – par le biais des textes de Müller – engage une conversation avec son pendant. Son double s'oppose à lui, le contredit ou abonde dans son sens. Les deux images – le comédien réel et son reflet – se renvoient l'un à l'autre au propre comme au figuré. Car dans notre société du spectacle, la réalité ne peut plus se passer de la fiction, le « réel » et le « factice » sont indissociablement liés.

    M, A REFLECTION

    M, A REFLECTION

    « Un jour viendra à ma rencontre l'AUTRE, le pendant, le double au visage de neige. » 
    Heiner Müller, La Mission 

    Le spectacle M, a reflection prend appui sur deux éléments, l'œuvre de l'auteur allemand Heiner Müller et l'image scénique d'un comédien dialoguant avec son double numérique.

    Heiner Müller (1929-1995) était obsédé par l'histoire de son pays, par les paradoxes et contradictions politiques dans l'Europe du XXe siècle. Müller a passé la plus grande partie de sa vie sous des régimes dictatoriaux, successivement fasciste et communiste. Il a été témoin de la scission de l'Allemagne en deux États distincts, mais également de sa réunification, et aussi bien de la Guerre froide que de l'époque post 1989, marquée par un capitalisme effréné.

    « La guerre ne s'arrête jamais. » Apparemment, l'être humain ressent le besoin primaire d'avoir un ennemi. Sans cesse. Le maître et l'esclave, le bien et le mal sont indissociablement liés. A définit A' et inversement. Je détermine l'identité de mon opposé, mon double, qui détermine à son tour mon identité.
    L'Autre est celui/celle/ce avec qui/quoi nous ne pouvons pas vivre, mais dont se passer dans notre vie est tout aussi impossible. Ni avec, ni sans.

    À cette époque du multimédia et du numérique – qui est également l'époque de la possibilité du « clonage » – il semblerait que les tentatives que l'homme entreprend depuis des siècles pour créer « sa réplique », pour fabriquer l'homoncule – comme jadis la Nature (ou Dieu ?) créa l'homme – pourraient peut-être réussir. Les résultats de ces tentatives nous perturbent. Nous ne savons plus qui nous sommes. Les concepts tels que « originalité » ou « authenticité », les oppositions entre « réel » et « irréel » (ou faux, ou fictif) sont remis en question. Selon Oliver Grau, « Le concept d'originalité est étranger à l'ordinateur ».

    Il ne nous semble donc pas étrange de tenter de réunir ces deux éléments dans M, a reflection, d'une part les textes et la pensée de l'auteur dramatique Müller, qui traitent de l'homme et de la politique, des meurtriers et des victimes, et d'autre part l'image de la confrontation entre un comédien présent ici et maintenant, et son « double sur Internet ». Ainsi surgit, à travers les paroles de Müller, un dialogue entre un comédien vivant et son identité (ou contre-identité ?) numérique, multimédia. À côté des textes (littéraires) de Müller sont utilisés des extraits de conversations de Müller avec le cinéaste et auteur allemand Alexander Kluge.

    Même si Müller est mort en 1995, avant que la plus grosse vague de technologie numérique ne déferle sur nous et que les conséquences de cette inondation ne se manifestent clairement, dans son œuvre il a mieux que quiconque détecté l'importance croissante des machines et il en a décrit les conséquences. Ce poids grandissant était indéniablement le plus perceptible dans le domaine militaire, à travers la gamme infiniment variée d'instruments mis au point pour exercer la violence. La violence a, elle aussi, toujours besoin d'un A et d'un A' : la partie exerçant la violence et la partie la subissant.
    « Une certaine part de violence est toujours nécessaire pour que l'entreprise puisse fonctionner. »

    Slavoj Zizek : « Pour nous, pourquoi l'idée qu'un ordinateur serait réellement capable de penser est-elle tellement effrayante ? Ce n'est pas, tout simplement, parce que l'original (moi) ne pourra plus être distingué de la copie, mais plutôt parce que mon "double" mécanique "absorbera" mon identité et deviendra l'original (un objet substantiel), alors que moi, je resterai un sujet. [...] Mon double n'est pas mon ombre, au contraire : l'existence même de mon double me réduit à l'état d'ombre. Bref, un double me prive de mon "être". Mon double et moi, nous ne sommes pas deux sujets, nous sommes Je en tant que sujet (dédoublé) et Moi-même en tant qu'objet (non dédoublé). »

    Dans M, a reflection, la confusion qu'évoque Zizek est partagée avec le public et communiquée à lui. Le spectacle organise dans une même personne un choc entre l'authenticité (la réalité mise en scène) et la virtualité de l'image produite par des moyens numériques.

    Nous n'avons appris à comprendre, percevoir et manier le concept du ralenti et cette expression même, par exemple, et l'imitation d'un ralenti sur scène qu'après que la technologie nous ait montré de quoi il s'agissait. Nos yeux ont appris ce qu'est un ralenti, tout comme – plus récemment – nous avons dû apprendre à voir l'interactivité. Nos yeux regardent partiellement en 2D, tandis que le cerveau transpose les impressions visuelles en 3D. Ils collaborent intelligemment. Ils sont passés maître dans l'art de comparer : afin de pouvoir voir quelque chose dans l'espace, il nous faut des points de référence. Dans notre perception aussi, nous avons donc besoin de ce qui est autre / de l'Autre : nous pouvons uniquement localiser A à l'aide de B, C, etc., qui se situent dans le même espace.

    Dans M, a reflection notre perception est mise au travail. Les illusions sont créées, mais également percées, détruites, afin de « déstabiliser » les yeux et le cerveau. Dans l'espoir de leur (donc nous) faire comprendre « comment ça marche », dans l'espoir de contribuer à définir où nous nous situons et qui nous sommes. Michael Haneke : « Pour moi, la dramaturgie ouverte signifie boycotter le système de coordonnées du spectateur. » En effet, le dialogue dans M, a reflection n'est pas un trait tiré entre deux « personnages » ; c'est un triangle dans lequel deux « personnages » sont en rapport avec le public. Dans ce sens, M, a reflection reste (encore) du théâtre.

    Qu'importe l'originalité à l'ordinateur ? « Qu'importe à la côte si le navire fait naufrage ? »
    L'apprenti sorcier, le clown maladroit qui s'appelle l'Homme, jongle dans l'œuvre de Müller avec les vies, les instruments et les pensées qu'il tente désespérément de maintenir en l'air, mais qui lui échappent aussi des mains. Il tente toujours et encore de rétablir l'équilibre. Mais la technique – les usines sur roues qu'on appelle « chars d'assaut » – ou la nature – l'immense dos inculte couvert de neige et de glace qui s'appelle la Sibérie – prennent la relève. Ils font ce qu'ils ont à faire sans se soucier de ce qui arrive à l'Homme. L'auteur continue de s'adresser au public, ses textes sont tels des messages dans une bouteille jetée à la mer, dont le destinataire est inconnu. Jean Jourdheuil : « Comme des bouteilles jetées à la mer, sans destinataire préalablement identifié, ce qui peut se dire autrement : elles s'adressent aux morts autant qu'aux vivants. »

    « Je m'avance dans le paysage, qui n'a d'autre tâche que d'attendre la disparition de l'Homme. »

    Texte : Marianne van Kerkhoven

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  • « M, a reflection devient ainsi la Toy Story du théâtre classique : la victoire finale de la technologie informatique sur l'acteur vivant. La différence avec le théâtre de marionnettes s'efface entièrement. En même temps, cette fusion va au-delà du cinéma en 3D. […] Cette prouesse numérique continue de s'appuyer entièrement sur le savoir-faire artisanal de Johan Leysen, associant son interprétation détendue du texte à un timing millimétré. »
    « Avec M, a reflection, Verdonck se rapproche davantage que jamais auparavant du théâtre classique, qu'il fait progresser de plusieurs décennies par la même occasion.
     »
    Wouter Hillaert, 27.09.2012 dans De Standaard

    « La technologie utilisée par Verdonck n'est nullement comparable aux projections vidéo dont nous avons l'habitude chez d'autres créateurs de théâtre. Pas de tête parlante grossie derrière un acteur de chair et de sang, mais un partenaire numérique équivalent, inséparable et quasiment impossible à distinguer de l'autre. Le texte pose un défi au public, la technologie excite et brouille nos sens, et le jeu et la voix de Johan Leysen nous transportent dans une ivresse époustouflante et troublante. »
    Eline van de Voorde, 26.09.2012 sur Cobra.be

Crédits

Concept et régie: Kris Verdonck
Dramaturgie: Marianne Van Kerkhoven (Kaaitheater)
Acteur : Johan Leysen
Texte : Heiner Müller
Dialogues : Heiner Müller et Alexander Kluge
Coordination technique et lumière : Jan van Gijsel
Vidéo : Vincent Pinckaers
Etalonnage : Loup Brenta / Paul Millot
Son : Stef van Alsenoy
Costumes : An Breugelmans
Traductions : Marcel Otten, Patricia de Martelaere
Surtitres: Martine Bom
Stage : Kristof Van Baarle
Production et coordination technique : A Two Dogs Company, Hendrik De Smedt
Coproduction : Düsseldorfer Schauspielhaus, Düsseldorf DE, HAU Hebbel am Ufer, Berlin DE, Internationale Keuze van de Rotterdamse Schouwburg, Rotterdam NL, Vooruit, Gand BE
Avec le soutien de : les Autorités Flamandes, la Commission de la Communauté Flamande
Remerciements à: de Warande, Niels Neven, Culture Crew, Fisheye, SIGMA, Berlin, Geert Struyve