Bruxelles
EXTRACTIONS est une exposition qui réunit différents artistes travaillant autour de la destruction et de l’aliénation des paysages. L’extraction des ressources nécessaires pour soutenir la consommation alimentaire et technologique génère une dégradation et une importante pollution de l’environnement dans le monde entier ; une détérioration qui incarne la ruine des rêves de progrès, le naufrage d’une consommation effrénée.
Cette détérioration incarne la ruine des rêves de progrès, le naufrage d’une consommation effrénée. L’impact de l’exploitation d’un paysage s’étend bien au-delà de la seule « nature » : elle perturbe les sociétés, déplace les populations locales, provoque des guerres et des tensions (géo)politiques. Les traces du passé (histoires coloniales, inventions, relations commerciales) continueront donc de se faire sentir jusque dans un lointain avenir. À travers une sélection d’installations (vidéo), de photographies,
de sculptures et de performances, EXTRACTIONS se concentre sur un certain nombre de matériaux et de lieux situés à l’intersection de ces conditions.
Le paysage comme élément d’un écosystème constitue le point de départ de plusieurs œuvres d’EXTRACTIONS. Dans les photographies de paysages réalisées par Léonard Pongo en République démocratique du Congo, la genèse et l’apocalypse s’entrelacent. La beauté mystérieuse de ces images invite à repenser notre rapport au paysage. Entre attraction et répulsion, entre responsabilité et émerveillement. Les photos de Félix Luque Sánchez (Memory Lane) – des scans RX des paysages qui transforment la nature en quelque chose de high-tech – cherchent, elles aussi, à rendre visible une réalité latente. Ces espèces de paysages technologiques donnent une profondeur à ce qui, d’ordinaire, reste sous la surface. Les sculptures en porcelaine imprimées en 3D de Laura Colmenares Guerra constituent en elles-mêmes une série de paysages artificiels. Cartographies spéculatives du bassin amazonien, elles combinent informations géographiques et données des réseaux sociaux.
L’exposition EXTRACTIONS est elle-même une sorte de paysage. Ensemble, les installations, photographies et sculptures forment un environnement déréalisant. Des zones dévastées, abandonnées, des matériaux polluants, des métaux rares, des objets qui semblent mener leur propre vie nous donnent à voir un environnement sinistré qui est le résultat direct de technologies de longue distance, de smartphones, de batteries de voitures électriques, de la consommation excessive de viande et d’une foule d’autres choses qui appartiennent pour beaucoup à la vie quotidienne et qui sont essentielles à une économie axée sur la consommation.
L’installation EQUIPOISE de Kris Verdonck est constituée d’aimants, de verre et de pierre, qui s’équilibrent dans une architecture autoportante fragile. Ces espèces de plantes de science-fiction composent un paysage artificiel. L’œuvre DETAIL du même artiste semble, elle aussi, aux prises avec la gravité. On voit un rocher de 650 kg en suspension et en rotation, du moins quand le soleil brille, car le moteur est alimenté par un panneau solaire installé sur le toit. Autre équilibre fragile où les matériaux – la pierre, le métal, les rayons solaires – racontent leur propre histoire et semblent échapper à tout contrôle. Le public, hésitant, distant, masqué, fait partie intégrante de ce contexte. Déambulant au milieu des catastrophes, il est à la fois cause et effet. Le spectateur est même partie prenante dans l’installation vidéo Gorodets de Niko Hafkenscheid et Valentina Stepanova. Ici, la caméra erre tel un œil désincarné dans des villages fantômes de Russie. Au spectateur de devenir le corps derrière l’objectif et de se saisir de ces images d’une modernité en ruine.
Quel genre de personnes vivent parmi toutes ces ruines et ces catastrophes ? Quelles personnalités sont forgées par la tension entre confort et destruction, entre consommation et folie ? Quelles stratégies, quelles déformations les humains doivent-ils adopter pour survivre dans un contexte que leurs propres actions rendent de plus en plus invivable ? Des êtres isolés, survoltés, en état de privation sensorielle, errent dans ce paysage dont chacun est à sa manière un élément inhérent, intrinsèque. À la faveur de l’installation théâtrale K (régie de Kris Verdonck), Jeroen Van der Ven nous propose quelques textes de Kafka. L’acteur est une gure exhibée en tant qu’objet. Il s’est peut-être mis à l’abri au sommet d’une haute colonne, mais il semble ainsi tout entier aliéné de son environnement. La gure de K apparaît de la sorte comme l’antipode familier des figures de Verdonck dans IN – des personnes totalement immergées, plongées dans du formol et maintenues en vie par la technologie. De même, les figures présentes dans l’œuvre d’Anna Franziska Jäger et Nathan Ooms manifestent un état d’être spécifique. Elles sont gavées d’une culture de la consommation continue, hypermédiatisée. Tandis que les sculptures et les photographies d’EXTRACTIONS réfèrent plutôt aux conséquences de l’extraction des ressources, Out of office se concentre davantage sur la dérive des utilisateurs finaux. Les personnages de l’installation performative de Jäger et Ooms sont des éponges absorbant la déferlante du langage et du contenu en ligne qui nous submerge, des êtres artificiels privés de langage propre, l’exemple performatif de l’œuvre d’art à l’ère de la reproduction. La pandémie de coronavirus a, elle aussi, modi é profondément le rapport entre l’homme et son environnement : rues désertes, magasins, théâtres et cinémas fermés, isolement. C’est dans ce contexte qu’Annelies Van Parys, Gaea Schoeters, Lies Colman et Els Mondelaers ont œuvré à leur version de Holle Haven, un poème du recueil Bezette Stad (Ville occupée) de Paul Van Ostaijen. Comment faire l’expérience d’une ville contaminée, comment se frayer un chemin à travers les tensions provoquées par les masques, les règles de distanciation et un virus invisible qui met la société en dormance ?
Le cycle de cause et d’e et des systèmes économiques, des inventions et de la soif de pouvoir et leurs conséquences écologiques et socio-politiques constitue un fil rouge qui traverse l’ensemble de l’œuvre de Kris Verdonck / A Two Dogs Company. EXTRACTIONS est la première exposition à situer cette œuvre dans un contexte artistique plus étendu. Kristof Van Baarle
PROGRAMME
24 avril - 16 mai 2021
Laura Colmenares Guerra
Niko Hafkenscheid & Valentina Stepanova
Felix Luque Sánchez
Léonard Pongo
Kris Verdonck
Jeroen Van der Ven
Anna Franziska Jäger & Nathan Ooms
Annelies Van Parys, Gaea Schoeters, Lies Colman et Els Mondelaers
A Two Dogs Company
Rue Adolphe Lavallée 41
1080 Molenbeek (BE)
Avec des photographies, des sculptures et des installations (vidéo) de :
Laura Colmenares Guerra
Niko Hafkenscheid and Valentina Stepanova
Felix Luque Sánchez
Léonard Pongo
Kris Verdonck
Anna Franziska Jäger & Nathan Ooms
Jeroen Van der Ven
Annelies Van Parys - Gaea Schoeters - Lies Colman - Els Mondelaers
Avec le soutien de :
les Autorités flamandes, Culturele Activiteitenpremie