BOGUS I

BOGUS I
Kristof Vrancken

Agenda

10.11.22 22.01.23
10.05.19 23.05.19
25.03.16 10.04.16
  • Ce que nous voyons est-il vraiment conforme à la réalité? Les quatre ‘inflatables’ de BOGUS I apparaissent et disparaissent come des diables en boîte. Ils sont les fantômes du progrès, de l’industrie, du spectacle et de la destruction. Ils constituent à la fois la scénographie d’une humanité en train de disparaître, et les traces qui resteront.

    Le nom BOGUS comporte le mot « bogey », un esprit malin, une source de peur; BOGUS est une matérialisation des faux spectres qui nous poursuivent. BOGUS I trouve son origine dans une étude approfondie sur les matériaux et les dynamiques des sculptures gonflables faite durant la réalisation de BOGUS II. BOGUS I - qui signifie « factice » - est une apparition fantomatique et mystérieuse. BOGUS I croît et rétrécit jusqu’à réintégrer la boîte dont il était sorti. La naissance et disparition d’une sculpture étincelante pour ultime magie.

    BOGUS I

    BOGUS I

    Un spectre hante le monde - le spectre du capitalisme 
    (Don De Lillo, Cosmopolis)

    Le fantôme et la main invisible

    Des particules qui ne sont pas ce qu’elles semblent être, sont découvertes depuis les préludes de la physique quantique. Elles peuvent être et ne pas être là tout à la fois. Les objets du quotidien tels que les smartphones, ou encore les médias sociaux, ne sont pas toujours ce que nous pensons qu’ils représentent, et cette observation peut être surprenante mais également source de profonde inquiétude. Les objets deviennent insaisissables, leur fonctionnement et leurs  propriétés nous échappent. Ce qu’ils font mais aussi ce qu’ils valent, revêtent de plus en plus souvent un caractère mystérieux. Leur valeur marchande semble être uniquement le résultat de spéculations et ne plus avoir de lien avec la valeur des matières premières elles-mêmes. En dépit des nombreuses crises financières et de leurs avertissements, la spéculation continue à engendrer des bulles et des crashes économiques. La soif effrénée de croissance et de gain est un spectre qui continue à poursuivre nos gouvernements, entreprises ainsi que nos propres esprits. Si, en l’occurrence, il est question d’une main invisible, cette dernière est assurément malveillante, écrivait le professeur de littérature allemande berlinois Joseph Vogl dans son livre intitulé Lespectre du capital. 

    De l’air étincelant 

    Les trois grands « inflatables » incarnaient dans UNTITLED le décor brillant et performatif dans lequel l’homme disparaît. Ils constituaient en même temps une présence surprenante dont émanaient menace et violence. Des éclairages différents révélaient la matière dont ils étaient façonnés, des paillettes, la transformation du métal en brillants de disco. De l’air étincelant, le vide qui entre grincements et grondements, se gonfle. Pour le circuit d’installations IN VOID, Kris Verdonck a continué à travailler cette sculpture gonflable jusqu’à en faire une nouvelle installation autonome BOGUS I. BOGUS - qui signifie « factice » - est une apparition fantomatique et mystérieuse. BOGUS I trouve son origine dans une étude approfondie sur les matériaux et les dynamiques des sculptures gonflables. BOGUS I croît et rétrécit jusqu’à réintégrer la boîte dont il était sorti. La naissance et disparition d’une sculpture étincelante pour ultime magie. Le nom BOGUS I comporte également le mot « bogey », un esprit malin, une source de peur; BOGUS I est une matérialisation des faux spectres qui nous poursuivent. 

    L’ampleur en tant que source d’agression

    L’apparence de BOGUS I se situe entre le tangible et l’abstrait. Le matériau -les paillettes - oscille lui-même entre le festif et le sinistre. La sculpture cinétique propose des formes organiques et des façons de se mouvoir qui rappellent les dessins du biologiste Ernst Haeckel sans pour autant se laisser classifier. BOGUS I est toutefois hors de proportion. L’ampleur de la sculpture gonflable évoque les Moai, les statues monumentales de l’Ile de Pâques. Certaines analyses établissent une corrélation entre la dimension des Moai et le déclin de la civilisation pascuane. De discordes intertribales a résulté la construction de statues qui, dans un esprit de compétition, se devaient d’être les plus monumentales possibles. Leur transport nécessitait d’importantes quantités de bois et l’île peu à peu déboisée a connu un appauvrissement de ses ressources vivrières, la famine, la mort en masse et le cannibalisme. L’histoire de l’île de Pâques est emblématique d’une société qui s’autodétruit par la surexploitation et un appétit immodéré pour le « bigger and better » s’inscrivant dans un rapport de concurrence. Les Moai représentent la beauté de la destruction, leur histoire nous met en garde contre une répétition à grande échelle. Quels « dieux » nuisibles idolâtrons-nous? La croissance infinie et le culte des apparences ont souvent pour issue leur effet inverse. Les notions d’ampleur et d’agression vont ici de pair. 

    Une variation sur l’absence et les objets performatifs

    Dans un monde où l’homme a disparu, BOGUS I investit l’espace comme un performer autonome. Il s’agit d’une sculpture qui se gonfle jusqu’à atteindre un volume inquiétant et artificiel, pour ensuite rétrécir jusqu’à son point de départ. D’un être mutant qui semble peut-être respirer mais qui demeure un corps sans noyau. La manière dont fonctionne la sculpture est imprécise et c’est justement cette imprécision, alliée aux dimensions et au matériel ambigu dont est fait BOGUS I, qui transforme ce dernier en une créature umheimlich -spectrale -. Dans nos sociétés occidentales, les objets sont de plus en plus incarnés. Nous continuons pourtant à maintenir une division entre les êtres vivants et les objets morts, alors que nous manipulons chaque jour des  artefacts hybrides. L’installation s’inscrit dans une recherche plus vaste entamée par Kris Verdonck, et qui porte sur les objets performatifs compris dans une réflexion sur l’impact de la technologie et de notre rapport aux objets. L’objet à la fois monumental et compact qu’est BOGUS I, symbolise in fine ce que pourrait signifier le déclin de l’homme : la fascination pour la richesse et le glamour, l’accumulation sans fin dont émanent des bulles financières qui, lorsqu’elles éclatent, dévoilent l’aboutissement de ces désirs intrépides: le néant.

    BOGUS I
    BOGUS I

Crédits

Concept & mise en scène: Kris Verdonck
Dramaturgie: Kristof Van Baarle
Coordination Technique: Jan Van Gijsel
Création & Construction Technique: Eefje Wijnings, Hans Van Wambeke, Kris Verdonck, Koen Roggen
Software & Electroniques: Vincent Malstaf
Production: A Two Dogs Company
Coproduction: Kaaitheater (BE), Festival de Keuze (NL)
Remerciements à: Julien Maire
Avec le soutien de: les autorités flamandes, la commission de la communauté flamande (VGC)